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04/07/2015

Notre fédéralisme va bien au-delà du principe de subsidiarité

 

Le fédéralisme intégral dont nous autres, nationaux-anarchistes, nous nous réclamons, se projette plus loin que le fameux principe de  subsidiarité  auquel se réfèrent  les uns comme les autres.

Pour résumer la problématique  en peu de mots, disons simplement que le principe de subsidiarité consiste en une certaine "décentralisation", en ceci qu'il entend permettre aux localités de décider et d'appliquer ce qu'il est "possible de faire" localement.

En clair, la subsidiarité se borne donc à la délégation d'une partie des pouvoirs du centre vers la périphérie, sans remettre en question le moins du monde la prédominance de ce pouvoir central. A contrario, le fédéralisme intégral auquel nous nous référons implique une réelle autonomie des collectivités locales, et une authentique émancipation des individus-citoyens. Il n'entend pas juste déléguer une partie des prérogatives du centre suzerain vers une périphérie vassale, mais bel  et bien affranchir ladite périphérie  de la tutelle du centre, en  lui donnant des prérogatives réelles et qui ne se limitent pas à des questions d'ordre plus ou moins secondaire.

En somme, la subsidiarité, même si elle peut éventuellement être perçue comme une étape, une avancée dans un sens positif, ne saurait en aucune manière être un but en soi. L'objectif réel, à ne jamais perdre de vue, étant l'autonomie substantielle, via le principe fédératif, et dans un cadre fédéral, voire confédéral.


La préface au "Principe fédératif" de Proudhon, dont je reproduis le texte plus bas, développe cette distinction essentielle qu'il convient d'opérer entre simple subsidiarité -accommodable à plus ou moins toutes les sauces- et fédéralisme authentique.

Hans CANY


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Préface au "Principe fédératif" de Pierre-Joseph PROUDHON
(Editions ROMILLAT)

 

Du PRINCIPE FÉDÉRATIF au PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ


Fédéraliste, anarchiste, utopiste : il n'en faut pas plus pour vous déconsidérer à tout jamais auprès des gens sérieux. Jugez-en par vous-mêmes en tentant l'expérience suivante: au cours d'une réunion entre amis, proposez de débaptiser la République Française, et de la renommer République Fédérale de France. Le résultat est garanti.
On vous menacera des pires catastrophes, on vous annoncera la fin de la France, on dénoncera sa germanisation accélérée ou son américanisation inéluctable... Comme si l'adoption d'une Constitution fédérale nous promettait le démembrement du territoire national, l'indépendance des bretons, des corses, des basques et pourquoi pas le retour de Nice et de la Savoie à quelque Padanie indépendante !

Proudhon notait déjà: « Le peuple français se démoralise, faute d'une idée. L’intelligence de l'époque et de la situation lui manque : il n'a conservé que l'orgueil d'une initiative dont le principe et le but lui échappent. Aucun des systèmes politiques qu'il a essayés n'a pleinement répondu à son attente, et il n'en imagine pas d'autre.»

Qu'opposerait-il à cette démoralisation?

 

PRINCIPE FÉDÉRATIF versus PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ


Si l'on s'avise à chercher à quels éléments théoriques se réfèrent aujourd'hui les partis politiques français se revendiquant de l'idée fédéraliste - malicieux, Proudhon, à qui on ne fait pas facilement prendre des vessie pour des lanternes, souligne à ce propos « que de fois le moyen-âge ,n'a-t-il pas vu les Gibelins se faire Guelfes, et les Guelfes se changer en Gibelin! » -, on trouvera que tous mettent en avant le principe de subsidiarité.

On ne sait pas toujours que ce principe ressort de la doctrine sociale de l’Église catholique. Que dit l’Église ? Qu'un dirigeant ne doit pas faire ce que ses subordonnés ont la capacité et le pouvoir de réaliser eux-mêmes. Elle condamne non seulement l'abus de pouvoir, mais dénonce cette action comme péché dont le dirigeant se rend coupable. Transposé au plan politique, la Région ne doit pas faire ce que peut faire la Commune, et l’État ce que peux faire la Région. Encore que l'on sache mal ici, lorsqu'il y a faute, quelle est la sanction.

Peu de références dans les discours à la théorie fédérative.

L'idée de Fédération semble donc en France définitivement corrompue d'anarchie. C'est la Gaule avant César, la Fronde, la Gironde et la Commune acharnées à la perte de la Nation. Parler de Proudhon ne fait dès lors que mettre le feu aux poudres. Et pourtant...

Revenons un instant au principe de subsidiarité. S'opposant à toutes les formes de collectivisme, l’Église catholique, qui se qualifie ici d'«experte en humanité», stipule à ce sujet que « ni l’État ni aucune société ne doivent jamais se substituer à l'initiative et à la responsabilité des personnes et des communautés intermédiaires au niveau où elles peuvent agir, ni détruire l'espace nécessaire à leur liberté.»   ( Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, septembre 1984).

On ne peux qu'approuver, reconnaitre le chemin parcouru depuis Vatican II, juger favorablement l'éloignement des théories ultra-montaines qui étaient encore celle de l’Église au siècle dernier - même si l'oubli semble venir un peu vite laver le passé anti-humaniste des anciens «expert en humanité» ...

Certes. Mais refuser que l’État ou la société ne s'immiscent indûment dans la sphère privée, c'est encore admettre l’assujettissement de l'homme à un pouvoir qui lui est extérieur. C'est préjuger d'une organisation verticale hiérarchisée de la société où, si l'on dénonce comme péché l'abus de pouvoir, on encourage la subordination des citoyens. Le peuple souverain se voit reconnu son droit de déléguer librement et démocratiquement son pouvoir aux élus et à l’État ; il leur doit en retour une tranquille obéissance.

Rien de tel chez Proudhon.

Ce n'est pas à l’État ou un monarque qui délègue son pouvoir de haut en bas à chaque étage de la hiérarchie sociale, mais à l'inverse un échange contractuel, où l'on se délègue de souveraineté que si s'avère indispensable à l’exécution d'un projet commun.

Il veut l'homme libre. Il écarte sans hésiter la discipline coercitive. Pas de "lendemains qui chantent" ou d'impératifs religieux auxquels asservir l'individu.

 

LE CONTRAT


L'idée de contrat est pour lui l'idée dominante de la politique. Seul le contrat peut équilibrer l'Autorité et la Liberté, qui pour l’État en désordre et ruine, pour les citoyens en oppression et misère.

Le contrat social par excellence est le contrat de fédération « dont l'essence est de réserver toujours plus aux citoyens qu'à l’État, aux autorités municipales et provinciales plus qu'à l'autorité centrale.»

C'est par contrat - on voudrait pouvoir écrire, de puissance à puissance - que s'organisent les délégations des citoyens entre eux, d'eux à la commune et à la région, de la région à la fédération.

Contrats révisables, soumis au contrôle permanent des parties, et bien sûr dénoncés dès lors qu'il y aurait rupture des termes contractuels.

Ainsi « les contractants se réservent toujours une part de souveraineté et d'action plus grande que celle qu'ils abandonnent. Juste le contraire de ce qui a lieu dans les anciens systèmes, monarchiques, démocratiques et constitutionnels, où, par la force des situations et l'entrainement des principes, des particuliers et les groupes sont censés abdiquer entre les mains d'une autorité imposée ou élue leur souveraineté tout entière, et obtiennent moins de droits, conservent moins de garantie et d'initiative, qu'il ne leur incombe de charges et de devoirs.»

 

Rien non plus qui puisse donner prise à la bureaucratisation :

« Dans une société libre, le rôle de l’État ou Gouvernement est par excellence un rôle de législation, d’institution, de création, d'inauguration, d’installation ; - c'est le moins possible, un rôle d’exécutif, par lequel on désigne un des aspects de la puissance souveraine qui a singulièrement contribué à fausser les idées. L’État n'est pas un entrepreneur de services publics, ce qui serait l'assimiler aux industriels qui se chargent à forfait des travaux de la cité. L’État, soit qu'il édicte, soit qu'il agisse ou surveille, est le générateur et le directeur suprême du mouvement ; si parfois il met la main à la manœuvre, c'est à titre de première manifestation, pour donner l'impulsion et poser un exemple. La création opérée, l’installation ou l'inauguration faite, l’État se retire, abandonnant aux autorités locales et aux citoyens l’exécution du nouveau service. »

 

Commentaires

« Le vingtième siècle, prophétisait Proudhon en 1863, ouvrira l'ère des fédérations, ou l'humanité recommencera un purgatoire de mille ans. " Echapperons-nous au purgatoire ? Depuis le 1er janvier 1999, après la naissance de l'Euro, la question de la fédération européenne est désormais posée. Or les références des Français en matière de fédéralisme sont peu nombreuses, pour ne pas dire inexistantes. Le paradoxe veut que Proudhon, penseur de premier ordre à la fois du principe et de l'idée de fédération, ne soit plus lu en France, et que son livre, Du principe fédératif, soit tombé dans l'oubli. Incompris de ses contemporains, " l'homme-terreur ", " l'homme sans nom ", le " fédéraliste Proudhon ", dont seuls les ennemis avaient pris la mesure, ne doit plus rester ignoré. Ecoutons sans attendre le vieux philosophe : " Quel que soit le pouvoir chargé des destinées de la France, J'ose le dire, il n'y a plus pour lui d'autre politique à suivre, pas d'autre voie de salut, pas d'autre idée. Qu'il donne donc le signal des fédérations européennes -, qu'il s'en fasse l'allié, le chef et le modèle, et sa gloire sera d'autant plus grande, qu'elle couronnera toutes les gloires. »

Écrit par : emmanuel tsunami | 30/11/2013

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